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Projet personnel de vie et engagement académique

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Théologat International de Yaoundé - Missionnaires Xavériens

Après l’élaboration de notre projet communautaire de vie, chacun de nous est invité à travailler et élaborer un projet personnel. Pour nous encourager à faire ce travail sans perdre beaucoup de temps, il sera aussi question, pour nous et dans notre contexte, de contempler le défi que comportent les études de la théologie que nous réalisons en vue de la mission. Avant d’en venir à ce défi, faisons d’abord une réflexion sur le projet de vie.[1]

1. Pourquoi un projet de vie ?

Se faire un projet de vie est une nécessité. Il s’agit principalement de reconnaître et de répondre à la nécessité (et au besoin) de clarifier où l’on veut aller.

De la même manière qu’à travers l’élaboration d’un projet personnel de vie nous communiquons la conscience que nous avons de notre vocation, nous affirmons aussi que la vie communautaire est une « vocation ». De ce point de vue, des individus et des communautés entières doivent considérer un certain nombre d’éléments au moment de mettre en place les différents projets : faire un projet implique connaître et se connaître, décider et se décider, choisir et choisir de se donner. Il est impératif se connaître individuellement avec ses limites et ses qualités au moment de s’engager sur tout itinéraire. Décider quoi faire et quoi ne pas faire, décider sur ce que l’on veut exactement devenir et donc, décider sur sa vie. Choisir et pas se choisir, opter des attitudes, faire des options en vue d’une harmonie, une vie pour et avec les autres. Se projeter constitue pour chacun de nous une possibilité et un devoir de liberté et de responsabilité.

2. Entre passé, présent et avenir

Nous devons admettre qu’un projet de vie est objet d’une longue gestation. Il n’est pas seulement question d’idées claires sur sa propre situation. Il est aussi question d’une existence cohérente et unifiée, tout un style d’approche et un itinéraire fait d’indications opératives réalistes. En tout et avant tout, elle est fondamentale la liberté de se projeter : elle constitue un des instruments significatifs dans la réalisation d’une existence authentiquement réussie.

Après le premier « oui », souvent motivé par une situation idéale qui nous est présenté, nous devons nous mettre en route, commencer un parcours formatif qui ne finit plus jamais. Dans la période initiale de la formation et dans celle successive qui se caractérise par des engagements apostoliques, nous sommes appelés non seulement à désirer ce qui nous a été proposé, l’idéal que nous avons un jour rêvé ; mais faire de sorte que cet idéal devienne le motif de nos gestes et paroles, la beauté qui nous attire et nous pousse à chanter chaque jour un cantique nouveau. Nous le désirons, nous le choisissons et nous y consacrons les énergies nécessaires parce, entre autres, nous y croyons. Il ne s’agit plus d’une idée et d’un projet étrange à nous, mais quelque chose qui nous fait vivre et sans laquelle notre vie n’aurait pas le goût, à l’instar de la perle précieuse et trésor de l’Evangile (cf. Mt 13,44-46).

Un projet de vie qui se veut sérieux commence par un regard profond sur les racines de ses motivations et de ses attentes à l’égard du futur. Il devient ainsi ce pont qui connecte le présent au futur et s’élabore sur une situation concrète, réalisable et sans conditionnement ni contrainte.

Rien n’est automatique dans ce processus. Dans tous les cas, avec les facilités et les difficultés qui sont réelles, le travail que nous avons à faire doit prendre en compte les devoirs de base de toute croissance – à savoir : la subjectivité, l’altérité, la continuité et la projection – que comporte le mystère de la vie.

Bien qu’il s’agit d’un projet personnel, nous ne devons pas ignorer que nous sommes dans un processus de maturation relationnelle. Voilà pourquoi nous nous invitons à activer une série d’attentions : une attention à soi-même ; une attention aux relations avec les autres et une attention à la relation avec Dieu. Ce sont là trois facteurs ou trois secteurs de relations intimement et profondément liés entre eux. Nous ne pouvons pas nous faire des illusions et prétendre vivre pour nous-mêmes, sans aucune relation avec les autres. De même, nous ne pouvons pas nous faire des illusions et prétendre que tout fonctionne sans aucun effort de notre part. Ceci revient à dire qu’il s’agit d’un processus assez exigent et sur lequel nous devons commencer par prendre les choses très au sérieux, sans rien dramatiser et sans terrifier. L’angoisse et la peur, souvent, paralysent et poussent à tout abandonner.

Dans le projet, il est question d’avoir une conscience de l’idéal auquel on est appelé et du grand don que cela comporte ; une connaissance et acceptation de soi ; une bonne estime de soi et un caractère joyeux ; une capacité relationnelle et un désir profond de s’auto-transcender, se projeter vers le futur de manière réaliste, vivre libre de toute fausse espérance et de toute illusion, ainsi que le courage et la liberté de réaliser des choix responsables, dans l’ouverture à la complémentarité et au dynamiques communautaires.

Les trois attentions, ci-haut citées, renforcent la dimension vocationnelle et communautaire en nourrissant en chaque xavérien ce que nous soulignons en terme de « sens d’appartenance ». L’appartenance pour un xavérien et pour tout autre personne déterminer à se donner totalement pour le Royaume doit devenir cet aliment qui nous donne force pour aller de l’avant, pour orienter nos mouvements de manière constructive et générative, dans le respect de notre vocation et celle des autres. L’appartenance doit renfoncer en nous l’engament à vivre et à se projeter en communauté et avec la communauté.

3. Défi des études théologiques

Un problème qui se posent souvent est celui de trouver le lien entre les études et la vie chaque jour, ou parfois, avec nos projets de vie. La dignité de toute expérience spirituelle et de tout processus de croissance va de pair avec l’expérience sensible, de sorte à nous faire des critères pour notre discernement, pour nos options de vie. Nous pouvons alors nous poser la question de savoir quel engagement académique ? Avec quelles attitudes affronter la réalité académique ?

Le risque est toujours celui de s’enfermer dans un intellectualisme et sans prendre en compte les problématiques de la vie autour de nous. Parfois on se limite à répéter les grandes théories des auteurs, mais sans aucune incidence sur la vie propre. En plus de la pratique qui doit accompagner notre apprentissage de chaque jour, nous sommes invités à veiller à notre propre croissance, à notre propre amélioration. Voilà pourquoi je vous invite à réfléchir sur ce triple défi :

  • Orthodoxie: ceci signifie que nous sommes appelés à nous former et à former en nous une « pensée correcte ». Mais avec la conscience que cela ne suffit pas.
  • Ortho-praxis: celle-ci se réfère au fait de mettre en mouvement toute notre liberté, de sorte à prendre position et « agir » correctement. Mais ceci ne suffit pas non plus !
  • Orthopathie: C’est un niveau qui nous porte ou doit nous porter à nous impliquer avec notre cœur, nos sentiments et notre affectivité. C’est un niveau qui doit nous porter à assumer les joies et les douleurs de notre choix de vie chrétienne et consacrée, dans la famille religieuse qui est la nôtre.

Pour mettre ces défis en relation avec l’idéal de vie, de projet de vie que chacun de nous élabore, nous disons que tout en cherchant à nous dépasser et aller au-delà, mais aussi tout en marchant avec les pieds sur terre hic et nunc ; il s’agit de vivre le passage de la théologie étudiée à la théologie vécue : expérimenter les mouvements et les sollicitudes de Dieu en nous, dans notre vie, et nous transformer véritablement, sans rester au niveau des discours et théories académiques.

Une théologie étudiée avec le souci de l’orthodoxie, de l’ortho-praxis et de l’orthopathie nous permet d’explorer les éléments constitutifs de nos motivations et de nos décisions. En tant que missionnaires, en tant que religieux, nous ne devons pas oublier que la vie dans l’Esprit – puisque c’est de cela qu’il s’agit dans nos recherches et nos engagements de chaque jour – est toujours en contact avec les figures et les réalités de l’existence quotidienne. Voilà pourquoi il est important de veiller à ce qu’il n’y ait pas de fracture entre la réalité académique au quotidien et notre engagement chrétien. Nous n’avons pas à nous soustraire aux dynamiques de la vie. Notre crédibilité se joue sur le plan de l’existence et de nos projets personnels et communautaires. Il peut y avoir des difficultés, des limites réelles, mais il y a aussi de l’autre côté les délices qui accompagnent nos recherches. La sagesse que l’on peut attendre de chacun de nous et de trouver l’équilibre et de cheminer avec grande conviction. Car, à partir de notre histoire et de notre parcours de chaque jour nous pouvons faire expérience de l’essence même de la vie chrétienne et surtout de la transformation qui en résulte pour qui s’engage avec joie et cohérence.

Mbula N. Gilbert sx

Yaoundé 2021 -  


Pour l’approfondissement :

  • Vatican II, Gaudium et Spes, 5,52,54,62.
  • --, Optatam totius, 2-12 ; 16.
  • Cucci G., Esperienza religiosa e psicologia, Elledici, Roma, 2009.

[1] Pour plus de détails, nous renvoyons à un texte que nous avons déjà publié : cf. Du rêve au désir et du désir au projet de vie : en communauté

Gilbert Mbula sx
29 Mars 2021
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