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La conversion des missionnaires

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La conversion des missionnaires

Éditorial

La conversion de « l’autre » est un vœu qui a marqué pour longtemps l’imaginaire des missionnaires. Ce souci était autant pressant qu’il semblait répondre au mandat du Christ Ressuscité : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné » (Mc 16, 15-16). La formation à la vie missionnaire se donnait comme objectif de fournir des outils théoriques et pratiques pour cette finalité. Munis de ce riche équipement, les annonciateurs de l’Évangile étaient censés partir en sachant quoi faire et comment le faire.

Pour autant, il n’est pas évident qu’une fois en mission les choses ne passent toujours comme prévu. Car au contact avec un peuple, une culture, un contexte différent de ceux des missionnaires, ces derniers, s’ils sont avisés, s’aperçoivent vite que la rencontre avec l’autre et son monde n’est pas facilement objectivable. Confrontés aux conditions de la mission, ils découvrent que la formation initiale n’a servi que de propédeutique à un itinéraire d’apprentissage qui durera toute la vie.

Il s’agira d’un processus continu, variant entre acculturation et conversion. Étudier la langue locale, connaître les us et les coutumes du terroir, s’acclimater, déguster et apprécier les plats du lieu…sont autant d’occasion qui amorcent l’acculturation des missionnaires, au sens de s’initier et s’ouvrir à la culture de l’autre. Cette étape est déjà un premier moment de conversion dans la mesure où il bouscule « les préjugés » que le missionnaire avait de ses destinataires. Le « je sais bien qui tu es », - certitude du diable - (Mc 1,24) cède la place à l’humilité du genre : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu » Jb 42, 5.

La transformation la plus décisive que rend possible l’expérience de la rencontre entre les missionnaires et les peuples auxquels ils sont envoyés porte fondamentalement sur l’idée qu’on se fait de Dieu et dont les missionnaires se font les hérauts. A ce propos le récit biblique de la rencontre de Pierre et du centurion romain Corneille (Ac 10) est emblématique. Idéalement, l’expérience de la rencontre entre l’annonciateur et le destinataire de l’Évangile éclaire et élargit l’image du Dieu de la foi et le salut qu’il offre. Sans ce déplacement existentiel et spirituel de la part des missionnaires, leur entreprise s’apparenterait à une volonté de conquête idéologique dont l’horizon est d’allier l’autre à sa propre religion et sa divinité différente du Dieu de Jésus Christ et de la manière dont il se révèle.

Pour caractériser ce mouvement qui s’opère dans l’existence d’un missionnaire, le jésuite français Michel de Certeau (1925-1986) a parlé de « la conversion du missionnaire » (Christus, n°40, 1963). Le présent numéro de nos Cahiers voudrait mettre en exergue cette notion de la conversion du missionnaire selon qu’elle s’opère au contact avec l’autre et sa culture ; donc par le truchement de ce qui est connu comme « acculturation ».

Le premier axe rend compte de la manière dont certains jeunes missionnaires expérimentent ce changement dans les premières années sur le terrain de la mission, soit en apprenant la langue, les us et les coutumes du milieu ou en approfondissant un élément de la culture locale par l’étude. Le deuxième moment se veut un éclairage biblique et doctrinal de cette notion de la conversion des missionnaires. Sous forme prospective, l’idée de la conversion des missionnaires est offerte, dans un troisième axe, comme une chance pour l’œuvre d’évangélisation aujourd’hui en Afrique en un moment où les jeunes missionnaires prennent le relais d’une mission qui, hier, était aux mains de leurs aînés accusés à tort ou à raison de tabula rasa. Il s’agit d’un agir missionnaire qui eut pour conséquence la disqualification de la culture des peuples qui se convertissaient au christianisme.

C’est un péché qu’on ne peut se permettre aujourd’hui. Car sans prêter attention au déplacement qu’exige le monde culturel de l’autre, il y a risque que l’œuvre évangélisatrice se transforme en mission civilisatrice. Dans le passé, les missionnaires ont parfois reçu ce reproche. L’annonce de l’Évangile sollicite certes la conversion, mais la préoccupation de convertir les autres ne peut justifier que les missionnaires ajournent leur propre conversion. Une des visées de remettre à jour le thème de la conversion des missionnaires aujourd’hui est de parer à cette volonté de puissance qui a nui parfois gravement à la noble mission d’annoncer l’Évangile en Afrique. L’autre objectif est de proposer la mission comme cheminement du missionnaire qui, à la rencontre « des autres », découvre, comme Pierre, que Dieu est plus grand que celui de ses rêves missionnaires (Ac 10, 34).

Depuis le début de son pontificat, le pape François n’a cessé d’inviter tous ceux qui exercent une charge pastorale dans l’Église à un style plus évangélique dans leur manière d’habiter leur ministère ou de promouvoir une coresponsabilité dans le service de la célébration et l’annonce de la foi. Le livre, Contre le cléricalisme, retour à l’Évangile, (Paris, Salvator, 2023, 137p.), d’Yves-Marie Blanchard que nous invitons à découvrir, participe à cet effort de conversion souhaité par le pape.

 

La conversione dei missionari

La conversione del'“altro” è un desiderio che ha segnato a lungo l'immaginario dei missionari. Questa preoccupazione era tanto pressante quanto sembrava rispondere al mandato di Cristo risorto: "Andate in tutto il mondo. Annunciate il Vangelo a tutta la creazione. Chi crederà e sarà battezzato sarà salvato; chi rifiuterà di credere sarà condannato" (Mc 16, 15-16). La formazione alla vita missionaria è stata concepita per fornire strumenti teorici e pratici a questo scopo. Armati di questo ricco equipaggiamento, gli annunciatori del Vangelo dovevano partire sapendo cosa fare e come farlo.

Tuttavia, una volta in missione, le cose non vanno sempre secondo i piani. Perché quando entrano in contatto con un popolo, una cultura e un contesto diversi da quelli dei missionari, questi ultimi, se sono saggi, si rendono subito conto che l'incontro con l'altro e il suo mondo non è facilmente oggettivabile. Confrontati con le condizioni della missione, scoprono che la loro formazione iniziale è servita solo come propedeutica a un apprendistato che durerà tutta la vita.

Sarà un processo continuo, che oscilla tra l'acculturazione e la conversione. Studiare la lingua locale, conoscere gli usi e i costumi del territorio, acclimatarsi, assaggiare e apprezzare i piatti locali... sono tutte occasioni che avviano i missionari all'acculturazione, nel senso di conoscere e aprirsi alla cultura degli altri. Questa fase è già un primo momento di conversione, in quanto ribalta i “pregiudizi” che il missionario aveva sui suoi destinatari. Il “so chi sei” - la certezza del diavolo - (Mc 1,24) lascia il posto a un'umiltà del tipo: “Ti conoscevo solo per sentito dire, ma ora i miei occhi ti hanno visto” (Giobbe 42,5).

La trasformazione più decisiva resa possibile dall'esperienza dell'incontro tra i missionari e i popoli a cui sono inviati riguarda fondamentalmente l'idea di Dio di cui i missionari sono gli annunciatori. A questo proposito, il racconto biblico dell'incontro tra Pietro e il centurione romano Cornelio (Atti 10) è emblematico. Idealmente, l'esperienza dell'incontro tra l'annunciatore e il destinatario del Vangelo illumina e amplia l'immagine del Dio della fede e della salvezza che egli offre. Senza questa svolta esistenziale e spirituale da parte dei missionari, la loro impresa sarebbe simile a un desiderio di conquista ideologica, il cui scopo è legare l'altro alla propria religione e divinità, diversa dal Dio di Gesù Cristo e dal modo in cui si rivela.

Il gesuita francese Michel de Certeau (1925-1986) ha descritto questo movimento nella vita di un missionario come “la conversione del missionario” (Christus 40, 1963). Questo numero dei nostri Cahiers vuole mettere in evidenza questa nozione di conversione del missionario, che avviene attraverso il contatto con l'altro e la sua cultura; in altre parole, attraverso la categoria dell “acculturazione”.

La prima sezione descrive come alcuni giovani missionari sperimentino questo cambiamento nei primi anni sul campo di missione, imparando la lingua, gli usi e i costumi locali o studiando un particolare aspetto della cultura locale. La seconda parte intende gettare luce biblica e dottrinale su questa nozione di conversione dei missionari. Nella terza parte, l'idea della conversione dei missionari viene offerta come opportunità per l'opera di evangelizzazione in Africa oggi, in un momento in cui i giovani missionari stanno prendendo in mano una missione che, in passato, era nelle mani dei loro anziani, accusati, a torto o a ragione, di fare tabula rasa. Questa azione missionaria ha portato a squalificare la cultura dei popoli che si sono convertiti al cristianesimo.

È un peccato che non possiamo permetterci di commettere oggi. Senza prestare attenzione allo spostamento richiesto dal mondo culturale dell'altro, si rischia di trasformare l'opera di evangelizzazione in una missione di civilizzazione. In passato, i missionari sono stati talvolta accusati di questo. L'annuncio del Vangelo richiede certamente la conversione, ma la preoccupazione di convertire gli altri non può giustificare i missionari a rimandare la propria conversione. Uno degli obiettivi della rivisitazione del tema della conversione dei missionari oggi è quello di contrastare il desiderio di potere che a volte ha seriamente danneggiato la nobile missione dell'annuncio del Vangelo in Africa. L'altro obiettivo è proporre la missione come un viaggio per il missionario che, incontrando gli “altri”, scopre, come Pietro, che Dio è più grande dei suoi sogni missionari (At 10,34).

D’all'inizio del suo pontificato, Papa Francesco non ha mai smesso di invitare tutti coloro che esercitano un ufficio pastorale nella Chiesa ad adottare uno stile più evangelico nel modo in cui svolgono il loro ministero o a promuovere la corresponsabilità nel servizio della celebrazione e dell'annuncio della fede. Il libro Contre le cléricalisme, retour à l'Évangile (Paris, Salvator, 2023, 137p.) di Yves-Marie Blanchard, che vi invitiamo a scoprire, fa parte di questo sforzo di conversione richiesto dal Papa.

 

The conversion of missionaries

The conversion of ‘the other’ is a wish that has long marked the imagination of missionaries. This concern was as pressing as it seemed to respond to the mandate of the Risen Christ: “Go into the whole world. Proclaim the Gospel to the whole creation. Whoever believes and is baptised will be saved; whoever refuses to believe will be condemned” (Mk 16: 15-16). Training for missionary life was designed to provide theoretical and practical tools for this purpose. Armed with this rich equipment, the missionaries were supposed to set out knowing what to do and how to do it.

However, once on the mission field, things do not always go according to what was planned. Because when they come into contact with a people, a culture and a context that are different from those of the missionaries, the latter, if they are wise, quickly realise that the encounter with the other and his world is not easily objectified. Confronted with the conditions of the mission, they discover that their initial training has only served as a propaedeutic to a lifelong apprenticeship.

This will be an ongoing process, varying between acculturation and conversion. Studying the local language, getting to know the habits and customs of the land, becoming acclimatised, tasting and appreciating the local dishes... are all opportunities that initiate the missionaries into acculturation, in the sense of learning about and opening up to the culture of the other. This stage is already a first moment of conversion insofar as it overturns the ‘prejudices’ that the missionary had about his recipients. The ‘I know who you are’ - the devil's certainty - (Mk 1:24) gives way to humility of the kind: “I knew you only by hearsay, but now my eyes have seen you” (Job 42:5).

The most decisive transformation made possible by the experience of the encounter between missionaries and the peoples to whom they are sent fundamentally concerns the idea of God of which the missionaries are the heralds. In this respect, the biblical account of the encounter between Peter and the Roman centurion Cornelius (Acts 10) is emblematic. Ideally, the experience of the encounter between the proclaimer and the recipient of the Gospel illuminates and expands the image of the God of faith and the salvation he offers. Without this existential and spiritual shift on the part of the missionaries, their undertaking would be akin to a desire for ideological conquest, the aim of which is to ally the other with his own religion and divinity, different from the God of Jesus Christ and the way he reveals himself.

The French Jesuit Michel de Certeau (1925-1986) spoke of ‘the conversion of the missionary’ (Christus 40, 1963) to characterise this movement in the life of a missionary. This number of our Cahiers would like to highlight this notion of the missionary's conversion, which takes place through contact with the other and his or her culture; in other words, through what is known as ‘acculturation’.

The first section describes how some young missionaries experience this change in their first years on the mission field, either by learning the local language, habits and customs, or by studying a particular aspect of the local culture. The second part is intended to shed biblical and doctrinal light on this notion of the conversion of missionaries. In the third section, the idea of the conversion of missionaries is offered as an opportunity for the work of evangelisation in Africa today, at a time when young missionaries are taking over a mission which, in the past, was in the hands of their elders, who were accused, rightly or wrongly, of tabula rasa. This missionary action resulted in the disqualification of the culture of the peoples who converted to Christianity.

This is a sin we cannot afford to commit today. Without paying attention to the displacement required by the cultural world of the other, there is a risk that the work of evangelisation will be transformed into a mission of civilisation. In the past, missionaries have sometimes been accused of this. The proclamation of the Gospel certainly calls for conversion, but the concern to convert others cannot justify missionaries postponing their own conversion. One of the aims of revisiting the theme of the conversion of missionaries today is to counter the desire for power that has sometimes seriously damaged the noble mission of proclaiming the Gospel in Africa. The other objective is to propose mission as a journey for the missionary who, in meeting ‘others’, discovers, like Peter, that God is greater than his missionary dreams (Ac 10:34).

Since the beginning of his pontificate, Pope Francis has never ceased to invite all those who exercise a pastoral ministry in the Church to adopt a more evangelical style in the way they carry out their ministry or to promote co-responsibility in the service of celebrating and proclaiming the faith. The book Contre le cléricalisme, retour à l'Évangile (Paris, Salvator, 2023, 137p.) by Yves-Marie Blanchard, which we invite you to discover, is part of this conversion effort called for by the Pope.

 

Louis Birabaluge, SX.
23 Mai 2025
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