Le Synode à Pala (Tchad)
En 2014, l’Église de Pala vivait l’année jubilaire de sa fondation, sur le thème : « Église de Pala, peuple de Dieu en marche ! ». Un moment spécial pour moi, qui venais d’arriver au Tchad et découvrais la beauté de cette jeune Église, qui se voulait en marche et qui cherchait à grandir.
Ce thème m’est immédiatement venu en tête quand nous nous sommes rencontrés en assemblée pour ouvrir les travaux du Synode. Une fois de plus, l’Église nous invite à nous reconnaître comme peuple de Dieu en marche, mais sans oublier que le chemin se fait ensemble. Le Document Préparatoire du Synode pose une question capitale :
« Comment se réalise aujourd’hui, à différents niveaux, ce “marcher ensemble” qui permet à l’Église d’annoncer l’Évangile, conformément à la mission qui lui a été confiée ; quels pas de plus l’Esprit nous invite-t-il à poser pour grandir comme Église synodale ? ».
Voici quelques éléments de réponse à partir de ma petite expérience missionnaire et de la triade proposée par le Synode : communion, participation et mission.
Communion : Les caractéristiques du diocèse de Pala pourraient justifier une vie d’Église peu synodale : vaste, il couvre un territoire de plus de 30 000 km2 avec une population estimée à un million et demi (dont 4 % de catholiques) ; ses 30 paroisses sont regroupées en 5 zones pastorales avec des particularités linguistiques et culturelles. Il existe pourtant un grand effort de communion dans la réalisation d’un projet pastoral commun. Chaque commission diocésaine est formée de représentants de toutes les zones pastorales qui se rencontrent régulièrement, les idées circulant ainsi de la périphérie vers le centre et vice-versa, ce qui contribue à une pastorale plus synodale. La forte présence de missionnaires étrangers, en majorité d’autres pays d’Afrique, renforce nos liens avec l’Église universelle et cultive dans nos communautés chrétiennes une spiritualité de l’accueil et de l’ouverture.
Participation : Les catéchistes sont au cœur de l’évangélisation. Il n’y aurait pas une moyenne de 3 000 baptêmes par an sans l’apport discret mais important de ces hommes et femmes, qui partagent leur amour de Dieu et du Royaume. Présents dès le début de la mission, d’abord traducteurs et guides, ensuite catéchistes et animateurs, ils assurent les célébrations du dimanche en absence de prêtre et soutiennent les communautés ecclésiales de base. C’est aussi grâce à leur foi que grandit chaque jour le nombre des prêtres et consacrés originaires du diocèse, souvent issus de leurs familles.
Mission : L’Église catholique du Tchad n’est pas encore centenaire. C’est une Église jeune, qui grandit assez rapidement mais reste une minorité. Cela nous laisse dans un état permanent de mission. Au cœur des préoccupations pastorales, le catéchuménat rythme les activités paroissiales. Chaque année des milliers de jeunes et adultes y entrent. Dès le début, on a cherché comment faire pour que la Bonne Nouvelle touche en profondeur le cœur de l’homme tchadien ; notre diocèse est connu pour l’emploi de la méthode traditionnelle de l’oralité dans l’annonce de la Parole. Une équipe nationale révise tous les textes de catéchèse pour proposer des parcours répondant aux exigences actuelles de l’évangélisation. Un autre noyau de la mission du diocèse est la promotion humaine, la lutte pour la paix et pour les droits. Les situations de pauvreté et d’injustice sont innombrables au Tchad et le diocèse n’est pas indifférent, les centres de santé, les banques de céréales, caisses d’épargne, écoles, programmes d’alphabétisation des adultes, de développement de l’agriculture, de lutte contre le VIH et de formation des jeunes, en témoignent.
Le chemin est encore long. Le désir d’être une Église, peuple de Dieu en marche, se heurte à des barrières, j’en cite quelques-unes : à l’intérieur de la communauté chrétienne les traditions culturelles minimisent souvent l’apport des femmes, jeunes et enfants ; le manque de formation des laïcs les enferme dans un sentiment d’infériorité et de passivité pastorale ; les polygames, les accusés de sorcellerie et les femmes divorcées sont marginalisés, mal intégrés dans la vie des communautés ; certaines attitudes paternalistes ont formé des résistances à la prise en charge du diocèse. Au niveau national, les conflits intercommunautaires, surtout entre éleveurs et agriculteurs, créent un grand clivage social et empêchent la formation d’un État Nation où tous puissent se reconnaitre comme citoyens ; l’impunité règne et la justice penche du côté du plus fort. Les dernières guerres et la situation politique actuelle génèrent une méfiance réciproque voilée, grand obstacle à l’idée d’un pays qui marche ensemble.
La grande contribution que l’Église du Tchad peut offrir aux chrétiens et au pays, c’est sa conception de l’Église. Depuis l’Exhortation post-synodale Ecclesia in Africa, l’église africaine se définit comme « famille de Dieu », un terme cher aux évêques du Tchad. Dans une famille, chacun connaît ses droits et ses devoirs et nul ne peut être laissé de côté, chacun est vu comme un frère. Nos évêques nous disaient déjà dans une lettre sur le Vivre en Église aujourd’hui : « À l’image de la vie Trinitaire, l’Église, Famille de Dieu, est appelée à restaurer le tissu fraternel et communautaire déchiré par la méfiance et les phénomènes d’exclusion, par les rivalités meurtrières de la jalousie et des égoïsmes, pour vivre en frères dans l’échange, le partage et la communion ».
Que ce Synode soit pour toute l’Église un kayros missionnaire où la fraternité universelle sera son plus grand symbole.
P. Adriano Cunha Lima,
Missionnaire xavérien (sx),
en mission à Gounou-Gaya au Tchad.
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