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La sur-christianisation ou paganisme-religieux ? Le fait qui interroge

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Le phénomène des églises de réveil n’est pas seulement congolais, mais il est actuellement difficile de trouver une rue de Kinshasa sans ces églises. Il est aussi rare de prendre le transport public sans croiser des pasteurs ambulants ou leurs adeptes qui prêchent aux passagers la doctrine connue sous le nom de «semence ». Si un fidèle sème davantage, c’est-à-dire s’il offre à l’église beaucoup d’argent, il aura des grâces en abondance : la guérison, la prospérité, la virilité, la fertilité et surtout le paradis. Qu’est ce qui explique ce phénomène ?

La misère sociale et la naïveté de certains fidèles expliquent la multiplication de ces églises, selon le constat d’Alexis Tambwe, ministre de la Justice en 2018. En cette période, on comptait 11457 églises de réveil reconnues en RDC (Emission sur RFI, Le débat africain - Les églises de réveil en RDC). Cependant, pour mieux saisir cet enthousiasme de la population kinoise envers les églises de réveil, nous estimons que l’enquête du Père Pierfrancesco AGOSTINIS, SX intitulée Les églises de réveil à Kinshasa. Comprendre le phénomène et en relever les défis, peut nous servir de tremplin pour analyser et comprendre certaines croyances et pratiques religieuses de ces églises.

1. Enquête axée sur les églises de réveil à Kinshasa

Selon l’enquête du Père Agostinis, le départ des fidèles de nouvelles communautés de matrice chrétienne devrait interroger la Grande Église. En visant à comprendre le phénomène des milliers de nouvelles églises au Congo et à relever les défis, il a posé des questions à certaines personnes sur les motivations profondes qui les ont poussés à adhérer aux nouvelles églises. Les 21 personnes interviewées (jeunes, adultes et pasteurs) adhèrent, au moment de l’enquête, à 17 églises réparties entre « mégachurches/ mégaéglises», pentecôtistes classiques et néo-pentecôtistes, mais leurs parcours de croyant concernent 35 églises différentes (P. AGOSTINIS,Op. Cit., p.41).

L’observation des entretiens nous fournit une grande quantité d'informations à propos de la vie des croyants, notamment les motivations de leur quête, la résilience dans leur foi, les raisons qui les lient à une église, et les représentations profondes de Dieu qui les habitent. L’analyse des récits de l’enquête lui a permis d’identifier quatre thèmes fondamentaux. Le premier thème concerne l’idée de changement et de transformation de l’existence qui manifeste la présence de Dieu dans la vie des personnes concernées. Le deuxième met l’accent sur la dimension relationnelle et communautaire face au manque, à la maladie et à la souffrance. Le troisième thème relève du pragmatisme religieux. Il souligne les pratiques comme l’efficacité miraculeuse, la réussite financière, le spectacle qui, du point de vue religieux, posent des problèmes. Et enfin les silences frappants sur la dimension « sociale » de la foi.

2. Réflexion critique

  Le phénomène religieux des églises dites de réveil est un fait qui interroge. En pensant, d’abord, aux personnes qui réduisent ce phénomène religieux à l’ignorance et à la crainte des croyants, nous courons aussi le risque de tomber dans des considérations purement négatives du phénomène religieux des églises de réveil. Souvent, nous sommes tentés de juger et interpréter cette réalité avec le cliché de l’ignorance ou d’un besoin d’une religion magique porteuse de solutions rapides aux problèmes de l’existence.  Même si tout n’est pas faux dans une interprétation pareille, il y a moyen de faire mieux.

En réfléchissant sur le résultat de l’enquête et le questionnement de l’abbé Léonard Santedi qui se demande « Quel type d’évangélisation peut répondre à ce défi, tout en capitalisant le positif de ces mouvements ? » (Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique contemporaine, p. 33); il y a toujours possibilité d’inviter les pasteurs à faire une analyse critique de la croyance religieuse afin de répondre adéquatement à ce fait social et religieux. Pour y arriver, il faudrait se cultiver pour développer un regard attentif qui nous met en garde contre une vision purement orientée vers la défensive lorsqu’une réalité échappe à notre compréhension.  

En outre, le manque alarmant de la dimension sociale de la foi que l’enquête a identifié dans certaines églises de réveil, peut nous inciter à réfléchir sur l’impact de telles croyances religieuses sur les crises sociopolitiques et économiques auxquelles le pays est confronté, notamment l’explosion des sectes de toutes sortes, la corruption, la pauvreté, l’occultisme, etc.

Et enfin, il est indéniable que l'homme est fondamentalement un être de relation qui, parfois, se trouve devant des situations allant au-delà de son contrôle. Comme la relation intra-personnelle (avec soi-même) et inter-personnelle (avec les autres) n’arrive pas à satisfaire le vide profond ou la soif relationnelle qu’éprouve chaque être, l’homme s’ouvre à une relation supra-personnelle, c’est-à-dire avec Dieu. Tout de même, le besoin d’une transcendance facilitatrice des réponses pousse l’être humain à des adhésions parfois irréfléchies. C’est dans cette perspective que les différentes religions et les dénominations chrétiennes cherchent à répondre aux questions qui dépassent le commun des mortels.  La question qui se pose à ce niveau : est-il possible que les chrétiens catholiques et protestants et ceux des églises de réveil se mettent ensemble au nom de Dieu et pour leur bien commun afin que « tous soient un» (Jn 17,21)?

Cassien Nshimirimana sx
24 Janvier 2023
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