Quand des aînés suscitent notre admiration
Je voudrais parler aux jeunes confrères de l’engagement des confrères italiens dans le domaine de l’inculturation à Bukavu, à la Paroisse de Cimpunda, dans les années 80. PP. Camorani (Curé), Tumino et Bordignon, auquels s’adjoignait, tous les samedis, P. Dovigo, notre Vice-Maître, desservaient la Paroisse. J’étais alors novice (1983-1984), avec cinq compagnons, à la maison dite Vamaro. Chaque dimanche, le P. Maître nous déposait, sur son chemin pour Ciriri, à l’Eglise de Cimpunda. En fin d’après-midi, il nous retrouvait au Noviciat que, après l’apostolat dans les CEVs, nous regagnions aisément et joyeusement à pieds.
La Paroisse de Cimpunda sortait du lot de toutes les paroisses de Bukavu par deux éléments : l’engagement dans les domaines social et liturgique. Permettez que, dans les pages qui suivent, je ne m’appesantisse que sur le deuxième. S’agissant du premier, qu’il me soit concédé de dire en passant que les confrères s’impliquaient dans des adductions d’eau, la prévention et le soin des maladies au Centre de Santé et l’alimentation. La pastorale n’était pourtant pas la mal aimée. En effet, les catéchumènes, les jeunes, les adolescents jouissaient de la sollicitude missionnaire. L’activité pastorale, je dirais, avait comme épicentre, les Communautés Ecclésiales Vivantes (CEV) comme établi par la conférence des Evêques vers les années 1970. Tout en s’engageant au centre de la Paroisse, chaque personne était appelée à s’impliquer au niveau et à partir de sa CEV. Elle se réunissait et célébrait aussi bien à la périphérie qu’au centre de la Paroisse.
Chaque dimanche les membres des CEVs étaient confondus dans l’assemblée de célébrants au centre. Le premier dimanche du mois, l’assemblée priante célébrait en rite alors dit zaïrois.
Tout comme les autres laïcs, nous qui venions du Noviciat, attendions le « dimanche du rite ». Dans toute la ville de Bukavu, seule la Cathédrale concurrençait la Paroisse de Cimpunda. Là, la première messe dominicale était en rite congolais. Singulièrement, elle était invariablement présidée par l’Abbé Mugaruka, alors Curé de la Paroisse. Avec sa masse et sa taille imposantes, on le voyait bien emballé avec les acteurs liturgiques lors de la procession d’entrée, autour de l’autel pendant le gloire et pendant la procession de sortie. Comme à Cimpunda, le prêtre, vieux, jeunes, enfants, en effet, tout était en mouvement et chantait.
Aujourd’hui, rappeler le souvenir des confrères – italiens – dansant à l’Eglise pour le Seigneur me parait important. Leurs pas de danse me disent, « l’ad extra » auquel ils avaient consenti. Il s’agit de la sortie d’eux-mêmes et de leur culture qu’ils firent. Pour apprécier à sa juste valeur cette sortie, faut-il évoquer le fait que la culture italienne n’encourage pas tellement ses fils et ses filles à l’expression spontanée de ses sentiments par les chants, la danse et les tambours. Nous sommes là en 1984. Cette réticence s’invita à préparation de la messe d’ouverture du 1er Synode sur l’Afrique. En effet, c’est après moult négociations que les balafons et autres tamtams venus d’Afrique furent « admis » dans « la Basilique St Pierre ». En célébrant en rite congolais dans cette basilique, en décembre 2019 puis en juillet 2022, le Pape François donnera la preuve que sa cathédrale était celle de l’Evêque Intendant du Pasteur de l’Eglise œcuménique, catholique, universelle.
Dans Notre fille ne se mariera pas, œuvre d’Oyono Mbia (Camerounais), le Pasteur Protestant écarta l’idée d’un intellectuel, rentré de France, de remplacer l’harmonium, dans la célébration du culte, par les balafons et autres tam-tams. Ceux-ci sont des instruments du diable alors que l’harmonium, un instrument divin. Est-ce l’influence de la Réforme pour qui «après la panse vient la danse puis…» ?
Pendant mon séjour en Italie, j’avais constaté que les confrères affectionnaient me voir danser, moi. Très probablement, leur culture aime chanter ; mais pas danser spontanément et à ciel ouvert.
Tenant compte de la distance de la culture occidentale vis-à-vis de la culture africaine en général, et en particulier de la danse, je ne peux que me rependre en éloges à l’endroit des confrères qui étaient à Cimpunda. Était-ce par élan folklorique ? Pas du tout.
L’amour de la mission, motivé par l’amour de Jésus, et conséquemment l’amour des africains et de leurs expressions culturelles, constituent, à mes yeux, la fondation du pont interculturel qu’ils avaient construit. Le même amour a déclenché en eux l’exode de leurs régions et de leurs êtres individuels en direction de l’autre. Cet ad extra fut une traversée des frontières géographiques et culturelles. (Cfr. XVIII Chapitre Général 16) L’extraordinaireté des pas de danse esquissés par les confrères au rythme du tambour et de chants swahili et shi s’origine dans la docilité à l’Esprit de tout envoyé qui se fie de lui.
L’amour illumine les yeux. Il dynamise le cœur. Il soutient la marche. Il rajeunit ce qui vieillit. Le 18ème Chapitre Général a raison de nous inviter à l’amour de notre vocation sx. Du reste, Dieu ne nous appelle-t-il pas à vivre en communion d’amour avec lui ? (Eph 1, 4) Aussi, en état de déficit d’amour vis-à-vis du peuple destinataire, rien ne tape dans l’œil ni ne frappe au cœur. On est distant. On s’érige en observateur, en enseignant, en rabbi, en maître ou docteur. Rare qu’on ne soit pas condescendant.
Venus de loin, les confrères dont je parle sont descendus dans le cercle de l’Eglise rd congolaise dont l’impulsion liturgique était partie de l’Eglise de Kinshasa. Jeunes confrères, regardez l’aisance des anciens. Joignez vos voix à l’hommage que nous leur entonnons. Peut-être nous taclent-ils. Jouons le jeu missionnaire. Annonçant l’évangile, nous serons dans la joie et les chants.
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