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Vie Consacrée et Culture Africaine

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La culture fait partie de l’identité de l’homme. Celui-ci est, en partie, produit de l’apprentissage social du milieu qui l’a façonné ; il est, ou alors devient avec le temps, fruit de sa culture transmise de génération en génération. Cependant, cette culture n’est pas absolue et l’Évangile n’a pas à se plier devant elle. Par ailleurs, la vie consacre est vécue par des hommes et des femmes issus d’un terreau culturel donné. Dans notre réflexion, nous faisons spécifiquement référence à la culture africaine – qui est aussi à situer selon les particularités de chaque coin du continent – en rapport avec la vie consacrée. La question que nous nous posons est celle de savoir comment la vie consacrée s’est incarnée en la terre africaine. Dans ce travail nous essayerons de présenter d’abord une approche notionnelle de la culture surtout dans le contexte de l’inculturation ; ensuite nous entrerons dans la dimension de l’inculturation de la vie consacrée ; et enfin, consacrerons un moment sur l’incarnation de la vie consacrée dans la culture africaine.

I. Définition de la culture

Dans le cadre de l’inculturation, la constitution pastorale sur l’Église Gaudium et spes nous offre une définition si claire de la culture :

« Au sens large, le mot ‘culture’ désigne tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain »[1].

A la suite de cette définition et sans dispersion, nous pouvons dire, en peu de mots, que la culture désigne la manière de se comporter d’une collectivité et de chacun de ses membres, de penser, d’agir, de juger, de se percevoir et de percevoir[2] qui est propre à un groupe humain et qui le distingue des autres. Ainsi la culture devient un caractéristique existentielle d’un peuple donné[3]. Cette conception permet donc d’envisager le processus de l’inculturation sous un nouveau contexte de vie particulièrement dans la vie religieuse consacrée.

II. Inculturation dans la vie consacrée

Il convient de signaler que l’inculturation de la vie religieuse doit être le fruit du processus de l’inculturation de la foi. De ce point de vue, la vie consacrée est essentiellement une œuvre d’inculturation. Elle est fondée fondamentalement sur les valeurs évangéliques. Le style de vie évangélique devient « une source d’inspiration importante pour un nouveau modèle culturel »[4]. En outre, l’Évangile ne se vit qu’incarné dans une culture. Parlant de l’inculturation, en effet, il ne s’agit pas d’adapter l’Évangile à la culture mais plutôt de permettre à l’Évangile de transformer pleinement la culture. D’ailleurs, par l’inculturation, l’Église transmet aux peuples ses valeurs en assument ce qu’il y a de bon dans ses cultures et en les renouvelant de l’intérieure.

Dans la vie consacrée, l’inculturation devient une nécessité puisqu’elle permet les consacrés à bien intérioriser les cultures à la lumière de l’Évangile. L’effort d’inculturation dans la vie consacrée s’attachera particulièrement à certains domaines : le style de vie des communautés, les rites de consécration, la revalorisation des langues locales dans la prière quotidienne[5]. Mais, pour ne pas créer des déviations, il est important de rappeler les critères fondamentaux qui ont été relevés par le Concile pour la rénovation de la vie religieuse à savoir les cinq fidélités: au Christ et à l’Évangile, à l’esprit du  fondateur (trice), à la vie de l’Église, au monde avec ses besoins et aspirations, et une meilleure adaptation aux exigences des temps et des lieux[6]. En dehors de ces critères, on risque de ne pas avoir une inculturation authentique et ecclésiale. Les instituts peuvent être des moteurs, mais cela ne suffit pas. Il faut être la voiture tout entière pour faire un véhicule. Il ne convient pas donc qu’une communauté religieuse se transforme en laboratoire d’inculturation qui échappe à l’autorité ecclésiale. Car, c’est avec et dans l’Église, la communauté religieuse s’engage de transmettre les valeurs évangéliques au monde en vivant la pauvreté, l’obéissance et la chasteté selon le contexte culturel.

Inculturation de la vie consacrée dans le contexte africain signifie alors s’ouvrir à la spiritualité africaine et faire parler les valeurs que celle-ci véhicule, à la lumière de l’Evangile. Il s’agit d’entreprendre des recherches dans des écoles initiatiques et des résidences spécialisées de vie religieuse communautairement organisée afin d’explorer par exemples les modes de présentation du célibat par les tenants de ces écoles et résidences, et tenter de découvrir toutes les motivations qui animent ceux qui se consacrent totalement à la divinité[7]. En effet, la vie des personnes consacrées par les vœux religieux est devenu un témoignage prophétique. Ils ont donné  leur pour la justice, la paix et la réconciliation dans des circonstances de fortes tensions[8]. Plus encore, le témoignage de vie comme consacrée se manifeste d’abord en communauté qui est lieu par excellence d’une communion. Car dans la vie communautaire on trouve et se montre qu’il est possible de vivre fraternellement et d’être unis, même là où les origines ethniques ou raciales sont différentes (cf. Ps 133,1). C’est avec conviction que nous pouvons voir et donner à croire qu’aujourd’hui en Afrique, ceux et celles qui suivent le Christ Jésus trouvent en Lui le secret de la joie du vivre ensemble »[9].

III. Vie consacrée en terre d’Afrique

Parlant de la vie consacrée en terre d’Afrique, il faut toutefois se rappeler que le Pape Paul VI, dans son appel explicite aux africains à s’engager dans la vocation missionnaire, a souligné que les africains doivent devenir eux-mêmes les missionnaires pour l’Afrique. C’est ainsi que, dans les années 1980, nous assistons à la réflexion et à la mise en œuvre de « la possibilité de donner un caractère international et une nouvelle dimension de la vocation africaine »[10]. Dans cette même ligne et à titre d’exemple concret, les Missionnaires Xavériens se sont engagés sur le chemin de l’internationalité, de l’inter-continentalité et de l’interculturalité dans leur mission d’annoncer le Règne de Dieu. Vivre dans une « société missionnaire internationale », dit José, Espagnol, dans un témoignage « c’est de vivre ouvert à la providence »[11]. En plus, il conçoit l’internationalité comme un lieu de découverte de nos propres limites, nos faiblesses, mais aussi un lieu où nous pouvons apprendre à les accueillir et à les assumer. En revanche, la communauté internationale devient le lieu où on peut être soi-même, un lieu de croissance. De cette manière, la communauté ne s’appuie plus seulement sur nos capacités humaines, mais sur notre propre Père qui nous appelle à vivre ensemble[12].

La vie consacrée est un don de Dieu, un don de Dieu à l’Église, un don de Dieu à son peuple. Chaque personne consacrée est un don pour le peuple de Dieu en chemin. En effet, le peuple de Dieu, surtout le missionnaire africain, a tant besoin de ces présences qui fortifient et renouvellent l’engagement pour la transmission des valeurs évangéliques,[13] à travers une vie authentique. Car la vie consacrée est essentiellement une vie évangélique. Le religieux/consacré est un homme qui incarne dans son esprit et dans sa chair l’espérance du royaume de Dieu en vivant l’Evangile d’une façon radicale et prophétique[14].

La culture africaine doit nécessairement passer par une rigoureuse conversion pour incarner la vie du Christ, présentée dans le message évangélique. Dans une lettre adressée aux religieux et religieuses d’Afrique, les Préfets des Congrégations romaines de l’Évangélisation et des Religieux écrivent au sujet de l’africanisation de la vie religieuse : « cette africanisation demande que la consécration à Dieu dans la vie religieuse soit vécue dans le contexte socio-culturel propre à l’Afrique et qu’elle soit perçue par les personnes côtoyées comme un véritable amour de Dieu et du prochain »[15]. C’est ainsi que africaniser la vie religieuse, c’est aussi y intégrer les valeurs de la culture africaine en harmonie avec Évangile :

« Vous n’avez pas à renier avec vous les valeurs culturelles, mais vous devez les étudier avec soin pour discerner ce qu’elles ont de bon et de vrai et leur donner une dimension nouvelle dans votre vie consacrée. Certains sont immédiatement assimilables : les sens de la présence de de Dieu, naturel à l’Africain ; les valeurs de la vie commune : joie, partage, hospitalité, dévouement. D’autres doivent être purifiés : le sens de la fécondité, etc. Tout cela demande de la recherche et des efforts et vous en êtes conscients »[16].

Cette africanisation ne veut pas dire mettre en question les trois vœux et la vie communautaire, mais de réfléchir sur des modalités d’applications intérieures et extérieures dans le contexte socio-culturel africain. Elle ne signifie pas vivre le célibat consacré au rabais[17]. La nécessité de cette africanisation exige de faire tous les efforts en vue d’une généreuse évangélisation culturelle et de même, la consécration (vie consacrée) doit toujours tenir compte du contexte socio-culturel où elle est vécue[18]. Cependant, la religieuse ou le religieux africain doit enraciner son identité à la mission. Dans cet effort, il doit prendre Jésus comme centre de la mission, c’est celui qui a incarné la Bonne Nouvelle par et dans sa vie de pauvreté avec les publicains et les marginalisés[19].    

IV. Conclusion

La culture nous forme et nous accompagne dans notre manière d’agir, de penser, de réfléchir, de percevoir les choses selon le milieu où nous vivons. La vie missionnaire dans l’internationalité, l’interculturalité et l’inter continentalité nous forge un plus dans notre identité humaine. L’homme est fils de sa culture. Dans la vie consacrée et missionnaire en Afrique, nous intégrons la dimension culturelle pour enrichir notre humanité et l’africanité de la vie missionnaire. Ainsi donc, les consacrés et missionnaire africains sont invités à être fiers de leur identité culturelle, tout en restant fidèles et ouverts au Christ à travers les conseils évangéliques.

Nous pensons, cependant, que les valeurs culturelles africaines ne doivent pas contredire les valeurs évangéliques. Elles doivent plutôt les enrichit pour mieux vivre l’africanité dans diversité, dans la multiculturalité et dans l’interculturalité au-delà du continent. Car, le fondement de la vie consacrée est l’Évangile, c’est-à-dire la vie du Christ. C’est le Christ qui nous donne un cœur et un esprit nouveau pour être des vrais témoins de son amour dans le monde entier.

En définitif, l’africanisation de la vie consacrée et missionnaire n’est pas à voir comme une banalisation, non plus comme une manière de relativiser les fondements de la consécration religieuse. Celle-ci, n’étant pas exclusivement une affaire d’occidentaux – car elle concerne aussi l’homme africain – doit être abordée dans toutes ses dimensions, en assumant les réalités propres pour mieux s’insérer dans les autres cultures et avec une attitude critique, claire et nette qui permet de discerner quels éléments sont évangéliques et lesquels ne le sont pas[20].     

 Kardi Bonavantura et Bangura Gbama Mark

[1] Concile Vatican II, Les Seize documents conciliaires : Texte Intégral, Gaudium et spes no53, Canada, Éditions Fides, 2007.

[2] Cf. https://via.library.depaul.edu/vincentiana/vol41/iss6/21, consulté le 30 juin 2020.

[3] F. Ambassa, Le diamant et la porcelaine. Valeurs et fragilités de la vie religieuse consacrée en Afrique. Mexico, Centro Théophile Verbiste, 2005, p. 55.

[4] Jean Paul II, Vita Consecrata,  n80.

[5] Cf. Commission Épiscopale pour les Religieux, La vie consacrée dans l’Église particulière du ZaïreInstruction et Directives de l’Épiscopat, Kinshasa, Éditions du Secrétariat General, 1981, p. 73.

[6] Cf. Concile Vatican II, Perfectae Caritate no 2.

[7] Cf. J. Abanda, Inculturer le célibat consacré en Afrique, Quezon City, Claretian Publication, 1994, p. 28.

[8] Cf. Benoît XVI, Exhortation Apostolique post-synodale Africae Munus, no 117.

[9] Idem.

[10] Cf. B. Ugeux, « Communauté interculturelles et mondialisation de la mission », in Spiritus no 149, 1997, p. 415.

[11] B. Ugeux, Art. cit., p. 416.

[12] Idem.

[13] Cf. Pape François, « Angélus de la journée de la vie consacrée », in Documentation Catholique no 2514, Paris, Bayard, 2014, pp. 39-40.

[14] J.A Malula, Méditation des vœux, Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1976, p.8.

[15] M. Otene, Fidèle au Christ et à l’univers negro africain, Kinshasa, Éditions Saint Paul, 1980, p. 43.

[16]Cf. Ibidem, pp.13-14.

[17] Cf. M.O. Mendo Nguenda, Fidèlement Religieuse, Authentiquement africaine, Yaoundé, Centre Étude Africain, 1992. p.54.

[18] Cf. M. Otene, Célibat Consacré pour une Afrique assoiffée de fécondité, Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1979, p. 6.

[19] Cf. M. Amaladoss, « Vie consacrée et mission », in Spiritus n° 149, 1997, p. 373.

[20] Cf. B. Ugeux, Art.cit., p. 418.

Kardi Bonavantura sx
20 Dicembre 2021
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