Former des leaders pour une Église synodale : expérience d’une semaine de formation à Rome
En tant que membre de la communauté du Collège International Guido Maria Conforti, j’ai eu la chance de participer avec le confrère ANTOINE BIREGEYI MUSHAGALUSA,sx à une session de formation organisée par la Conférence des Recteurs des Universités et Instituts Pontificaux de Rome (CRUIPRO), autour du thème : « Être leader dans une Église synodale. Se former au discernement ecclésial pour la mission ».

Cette rencontre, qui s’est tenue du 29 septembre au 3 octobre, a rassemblé une quarantaine de participants venus d’horizons divers : laïcs, religieux, religieuses et prêtres, tous unis par un même désir de mieux comprendre les enjeux de la synodalité et d’y inscrire leur mission de leadership.
Sous la conduite éclairée du professeur Philippe Bordeyne, théologien de renon, cette session a été bien plus qu’un séminaire intellectuel : elle s’est révélée être une véritable expérience humaine, communautaire et spirituelle. Je souhaite ici partager, en trois axes, quelques-uns des fruits que cette formation a portés en moi et en mes compagnons de route.
1. Vivre la synodalité : un chemin de conversion personnelle et communautaire
Dès les premiers jours, nous avons été invités à inscrire notre réflexion dans le contexte plus large du Synode des évêques sur la synodalité. L’objectif n’était pas simplement d’en discuter de manière théorique, mais de nous interroger concrètement : comment ce changement dans la manière d’exercer le leadership peut-il inspirer un renouveau dans nos Églises locales ? Comment la synodalité peut-elle transformer nos projets pastoraux, nos communautés, et nos façons de prendre des décisions ?
C’est ainsi que nous avons exploré la relation étroite entre synodalité et leadership dans une Église missionnaire. Cette approche suppose de reconnaître les liens vivants entre leaders et communautés, de percevoir les défis mais aussi les opportunités que ces relations portent. Nous avons compris que même les situations de crise peuvent devenir des lieux de croissance, pour peu qu’elles soient affrontées avec humilité, patience, et dans une dynamique de discernement.
La synodalité exige un accompagnement, un cheminement commun, où chacun est appelé à écouter et à être écouté. Elle suppose aussi une formation continue, car elle ne s’improvise pas : c’est un style de vie ecclésial à cultiver.
2. Le discernement synodal : entre écoute, décision et service
Un des éléments centraux de notre formation a été le discernement. Non pas comme simple méthode de décision, mais comme processus spirituel, fondé sur l’écoute mutuelle et la recherche de la volonté de Dieu.
Dans cette perspective, nous avons appris que le discernement synodal ne se résout pas à un vote majoritaire : il engage une véritable conversion intérieure. Le leader n’est pas celui qui impose, mais celui qui écoute d’abord — ce que le professeur Bordeyne a appelé « le primat de l’écoute » —, puis qui, avec courage, prend une décision éclairée, assumée, au service du bien commun.
Cette posture demande du temps, de la patience, mais aussi du courage. Elle appelle à sortir d’une logique de pouvoir pour entrer dans une logique de service. Le leadership, dans cette perspective, n’est pas un statut, mais une vocation : un appel à servir la communauté dans la mission de l’Église.
3. Leadership en temps de crise : le besoin d’un accompagnement continu
La crise n’est jamais confortable, mais elle peut devenir un lieu de vérité et d’espérance. Nous avons beaucoup réfléchi à cette réalité durant la formation. Un leader n’agit presque jamais dans des
conditions idéales. Souvent, il est confronté à des situations complexes, parfois douloureuses, où ses propres limites sont mises en lumière.
Dans ces moments, il est essentiel que le leader ne s’enferme pas dans la solitude. Il a, lui aussi, besoin d’être accompagné, écouté, soutenu. Comme l’a souligné un intervenant, le leader peut être un « guérisseur blessé », qui porte en lui ses propres vulnérabilités. Il a besoin d’une fraternité, de relations vraies et bienveillantes, pour ne pas sombrer dans l’isolement ou le découragement.
C’est pourquoi nous avons insisté sur l’importance de la communication sincère, du dialogue ouvert, même lorsqu’il est difficile. Apprendre à parler de ses fragilités, à demander de l’aide, à accepter l’accompagnement spirituel ou fraternel, fait partie intégrante du chemin de formation du leader chrétien. Car c’est dans la vérité de notre humanité que Dieu agit, et c’est à partir de cette humilité que l’autorité peut devenir service.
Une formation qui ouvre à la mission
Au terme de cette semaine intense, une conviction a émergé avec force parmi nous : l’importance d’une formation continue, expérientielle et accompagnée pour former des leaders selon le coeur du Christ. La synodalité ne s’apprend pas seulement en théorie : elle se vit, elle se découvre dans la rencontre, dans l’écoute, dans le partage.
Nous avons compris que l’expérience transforme les personnes, parce qu’elle les met en relation. Et cette transformation exige du temps : entrer dans le temps de Dieu, fait de kairos et de kronos, nous oblige à nous demander : qu’allons-nous changer après cette formation ?
Nous avons reçu des outils précieux, mais encore faut-il leur donner un espace pour s’incarner. Passer de la théorie à la pratique demande du courage, car l'Esprit Saint, souvent, nous conduit là où nous n'avions pas prévu d'aller. Et c’est précisément là que commence le chemin missionnaire d’un leadership renouvelé, à l’image d’une Église qui se veut synodale.
Didier AKSANTI, SX