UN LONG FIL, ROUGE COMME LE SANG
Dans l’intervalle de vingt ans de vie missionnaire au Burundi, le petit pays de la région des Grands Lacs, le sang a tracé un fil rouge, laissant des traces de la foi chrétienne de témoins courageux.
Le 30 septembre 1995, deux Missionnaires Xavériens, p. Ottorino et p. Aldo et la volontaire Catina sont à Buyengero, une mission perdue dans les montagnes surplombant le lac Tanganyika. Ils meurent par une balle dans la tête.
Le 7 septembre 2014, Olga, Lucia et Bernardetta, trois sœurs xavériennes qui vivaient dans leur maison de Kamenge, juste à côté de l'église meurent décapitées. Qu’est-ce qu'elles ont en commun ces deux réalités éloignées dans l'espace et le temps, pourtant si proche à la fin? Avant tout l’épilogue, le drame. Mais a bien voir, même le message de la vie, la paix et la justice pour nous tous. Et le martyre : six vies emportées avec une violence inouïe; six exécutions. Mais entre les deux, il ya d'innombrables autres vies arrachées avec une égale férocité. Longue est la liste, ainsi que les traces de sang.
Le 9 septembre 1996, est assassiné Mgr Johachim Ruhuna, évêque de Gitega.
Le 30 avril 1997, quarante séminaristes ont été assassinés à Buta.
Le 29 décembre 2003, Michael Courtney, Nonce apostolique au Burundi, est tué sur le territoire de Minago. Qu’est-ce qu’elles ont en commun ces vies ? L'amour de Dieu incarné dans chaque frère. Une foi forte, grande. L’abandon quotidien dans les bras de Dieu le Père, avec " ta volonté soit faite. " Témoin de la vie et de la foi. Ils ont fait juste ce «Ne crains pas, " et ils n’ont pas eu peur, jamais, malgré tout.
LE GRAIN MEURT, MAIS IL PORTE DES FRUITS
Nouvelle génération des Missionnaires Aldo Marchiol, Ottorino Maule, Catina Gubert, dans leur mission de Buyengero, au Burundi, savaient qu'ils étaient au cœur de la tempête qui a éclaté le 21 octobre 1993, quand Melchior Nadadaye, le premier président hutu démocratiquement élu quelques mois auparavant, venait d’être tué.
Les exécutions de la " guerre ethnique " On dit que "c’est la guerre civile, ethnique, ". Mais pas seulement. Aldo, Ottorino et Catina restent en place, et savent qu’ils risquent beaucoup. Témoins fidèles et compagnons courageux de voyage de leur peuple. Ils ne craignent pas, ne cèdent pas aux menaces, ils protestent face à l'injustice et ne restent pas silencieux face à la violence. Et cela décrète leur peine de mort. Dans la soirée du 30 Septembre se sont fait mettre à genoux dans le salon de la mission et ont été exécutés. Mgr. Ruhuna est le premier évêque de la jeune Eglise du Burundi à payer pour son courage en dénonçant les injustices et la violence. Malgré les massacres subis dans sa famille, il ne cède pas, il cherche le dialogue, il offre une protection à toutes les victimes. Quarante jeunes séminaristes, Hutu et Tutsi, ont été exterminés dans le séminaire de Buta. «Dieu est vraiment bon et nous l’avons rencontré!» Ce sont les paroles chantées par les jeunes séminaristes à la fin de leur retraite! Le dernier, Mgr. Michael Courtney, Nonce apostolique au Burundi, est exécuté dans le territoire de Minago, à 50 kilomètres de Bujumbura; il revenait d'une réunion. Ils étaient quatre dans une voiture qui portait visiblement, les insignes du Vatican; seul le Nonce est mortellement blessé. C’est une exécution préméditée. Mgr Courtney est le premier Nonce tué dans l'histoire de l'église: il était un homme de grande foi, il était un homme de paix, et pour elle il s’est donné jusqu'à la fin. Si la guerre est terminée, on le doit également à lui, à ses efforts inlassables. Le dernier groupe rebelle a signé un accord de paix en 2005.
Les gens ne perdent pas l’espérance Les autres dix ans sont passés, entre le désir de grandir et encore tant d’inégalités, entre la liberté et de nombreuses limites apparentes. Le remède à la fin s’est avéré pire que la maladie. Mais les gens espèrent toujours, même le fort témoignage de beaucoup de religieux et religieuses, des catéchistes, des responsables des communautés qui n’ont jamais abandonné le terrain, qui sont restés à côté de la population, même dans les moments les plus sombres. Et l'espérance nous raconte la vie de trois sœurs xavériennes qui, avancées en âge, n’ont jamais cessé d'être parmi le peuple et pour le peuple. Ainsi comme les premiers Xavériens arrivés au Burundi il ya 50 ans, en 1964, appelés à renforcer la présence chrétienne après la récente évangélisation, mais aussi à être des témoins vivants de l'Evangile. Et tous les Xavériens qui ont passé leur vie dans cette petite ville commencent à semer. " Mais si le grain ne meurt ... ». Et les graines meurent, mais portent des fruits. Seulement comme ça on peut lire la croissance spirituelle d'un peuple qui, entre massacres et guerres, depuis les années 70 a connu les horreurs, les évasions, l'exil, la torture, la famine, la maladie. Les xavériens sèment et maintenant les fruits sont mûrs. Le dessein silencieux de Dieu se réalise doucement.
Évangélisateurs pour un nouvel ensemencement La maison de formation de Bujumbura est pleine des jeunes qui, dans le témoignage des missionnaires Xavériens en particulier, ont reconnu le sens de la vie religieuse. C’est la saison des vocations, celle du premier xavérien burundais ordonné l'an dernier à 50 ans après l'arrivée des premiers fils de Guido Conforti au Burundi. Les autres viendront. C’est le moment de la joie et de la tristesse pour tant de souffrances, qui ne disparait pas, mais qui diminue à la lumière des fruits que notre famille xavérienne est en train de récolter. C’est une lumière qui semble apparemment s’éteindre entre le 7 et le 8 Septembre 2014. Trois sœurs xavériennes, femmes mites et de paix, sont horriblement tuées. Seul Dieu sait pourquoi. Encore du sang. Autres martyrs. Une longue, trop longue piste de sang. La douleur est immense pour tous et les autres douleurs resurgissent, jamais en sommeil. C’est notre terre, la terre d'Afrique, rouge comme le sang, qui accueille tous ces martyrs. Ce qu'ils sont maintenant et seront toujours à éclairer notre chemin et celui des jeunes africains qui se préparent pour la mission.
