1. De quoi la philosophie se mêle ?
Avec l’avènement du Corona Virus, le monde ancien est progressivement en train de se brise, tandis que le monde nouveau se dessine. Ce virus est exceptionnel en ce sens qu’il est venu briser nos repères, transformer notre quotidien et modifier notre rapport aux autres, à l’espace, au temps, à la liberté et même au travail. Nous sommes en face de ce que Roger Pol Droit appelle « le tsunami mental ». Nos convictions sont ébranlées, et nos certitudes se tournent en incertitudes. Du coup, nous vient à l’esprit la question, « qu’est-ce que la situation actuelle a à voir avec la Philosophie ?
Dans l’Antiquité grecque, le but de la philosophie était de vouloir comprendre et expliquer les énigmes de la vie. Elle s’intéressait au « comment vivre » ou encore au « comment aider les autres à vivre heureux » ; en d’autres termes, la philosophie voulait aider l’homme à atteindre la félicité. Pourquoi l’Antiquité a-t-elle voulu réduire la philosophie à la manière de vivre ? C’est tout simplement parce que, notre existence est constituée des problématiques permanentes telles que : la passion, la quête du pouvoir, la recherche de l’argent, la peur, la crainte, l’angoisse, la maladie, la mort, etc. L’être humain a tendance à lier le bonheur à la gloire, au pouvoir ou encore à la richesse. De la même manière, il lie le malheur à l’échec, à la maladie ou encore à la mort. La philosophie est venue apaiser les hommes en leur démontrant que le bonheur ne se trouve pas dans les biens soient-ils matériels ou immatériels. Le secret de la félicité se trouve plutôt dans la tranquillité de l’âme (Ataraxie).
Revenons encore une fois à la question du départ: qu’est-ce que la situation actuelle a à voir avec la philosophie ? Quand l’homme fait l’expérience d’un phénomène nouveau, lorsqu’il expérimente une fait dont la nouveauté est radicale, en lui naît l’étonnement et plus que l’étonnement, l’émerveillement. D’après Platon et Aristote, c’est l’étonnement qui est à l’origine de la philosophie. De ce fait, le surgissement inattendu de la covid-19 dans notre monde nous a tous surpris et étonné. Comprenez donc pourquoi le phénomène actuel intéresse au plus haut niveau la Philosophie.
2. Apprendre à vivre malgré tout
Etant donné que la Philosophie pose des questions plus qu’elle ne donne des réponses, n’attendez pas de moi un miracle. Vu que la philosophie s’intéresse au modus vivendi, Comment faire pour continuer à vivre malgré la Covid-19 ? Une école philosophique nous est particulièrement intéressante : celle des stoïciens. L’un des grands stoïciens Epictète affirme que, « il y a des choses qui dépendent de nous et il y a des choses qui ne dépendent pas de nous ». A titre d’exemple, Ce qui ne dépend pas de moi c’est la situation actuelle, ce virus devenu pandémique. Ce qui dépend de moi c’est par exemple freiner sa propagation, la distanciation sociale, les gestes barrières, les règles d’hygiène, etc.
En effet, en observant les gens vivre ici au Mozambique, j’ai l’impression que dans l’imaginaire collectif sur place, rien ne dépend de nous, tout dépend des autres. Par conséquent, personne ne fait rien, tout le monde attend tout de tout le monde. Et pendant ce temps, le Corona virus fait son bon chemin. Comment la philosophie peut-elle nous aider à dépasser nos incohérences afin de prendre le taureau par les cornes ?
Les stoïciens ont quatre vertus cardinales que nous pouvons mettre en perspectives avec le contexte actuel.
- La Sagesse : savoir accueillir les évènements actuels dans le calme et dans la sérénité ; Ne pas céder à la panique, ni chercher le coupable.
- La justice : savoir que mon comportement actuel peut sauver des vies tout comme il peut mettre en péril des vies humaines. Savoir respecter les consignes
- La modération : Contrôler ses impulsions, modérer ses plaisirs
- Le courage : Ne pas avoir peur de prendre des décisions qui me coûtent (ma liberté, ma passion), au moment opportun et en vue du bien de tous.
La Covid-19, une école pour nous
Le monde étant devenu un village planétaire, un vieux adage africain peut nous servir de leçon : lorsque la maison du voisin prend feu, je ne dois pas m’en dormir tranquillement, ignorant que ce même feu peut traverser jusqu’à embraser la mienne. Je dois plutôt me préparer en conséquence, en renforçant les mesures de sécurité au tour de moi et préparer une place en plus dans ma maison pour accueillir les probables fugitifs. Ici en Afrique, nous avons vu l’incendie de la Covid-19 se déclarer en Chine et se répandre en Europe avant de s’étendre en Afrique. Qu’avons-nous fait de sérieux pour nous mettre en sécurité ? La crise actuelle nous apprend beaucoup de choses mais je me limiterai à trois leçons :
- Apprendre à vivre en Compagnie de soi-même. Blaise Pascal dit que « le malheur de l’homme est de ne pas savoir rester seul en repos dans sa chambre ». Nous avons envie de sortir, de voyager et de rencontrer les gens. A force de vouloir aller seulement vers les autres, on oublie d’aller vers soi, finalement on s’oublie, on oublie de travailler sur soi-même.
- Savoir que le hasard fait partie de l’existence. Depuis le siècle des Lumières, l’homme a investi beaucoup de moyens et d’énergie pour éradiquer de l’existence, l’incertitude, le hasard. Aujourd’hui l’expérience de cette pandémie nous apprend que, en voulant l’éliminer, il revient sous forme de virus imprévisible.
- Avoir les deux pieds sur terre : Avec le développement numérique, nous serions en train de perdre de vue que le monde c’est du concret, du factuel. Cette épidémie vient remettre la nature au centre du jeu. Elle nous invite à savoir habiter le monde fragile.
Barthélemy Minani sx
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