Ensemble dans la diversité
A l'heure de la globalisation, nous assistons à la quasi « suppression » progressive de certaines frontières géographiques dans certains pays, voire continents. Mais, malgré ce grand effort de fermeture de ces frontières, une frontière persiste et se présente plus délicate et plus fondamentale, parfois ignorée ou négligée : celle de la diversité culturelle. Aujourd’hui, plus que jamais, le fait de vivre-ensemble est mis en question et engendre multiples demandes et réflexions. Ce que, peut-être, dans le temps on croyait inné, de nos jours, ne l’est plus. C’est ainsi que la prise en compte de la rencontre entre les cultures est essentielle, car lorsqu'elle est mal gérée, les tensions et frustrations qu'elle suscite peuvent conduire à l'intolérance et au repli identitaire. Il est vrai que chacun doit connaître et garder son identité et sa culture. C’est pour cela que la rencontre avec l’autre est toujours quelque chose de nouveau. C’est un monde à découvrir et à écouter jour après jour.
Cette rencontre entre cultures est désormais une réalité que certaines de nos communautés xavériennes expérimentent dans le monde. Lieu où le rendez-vous du donner et du recevoir se manifeste dans la rencontre de ses membres qui proviennent de différents milieux et différentes cultures ; lieu où nous apprenons, chaque jour, à nous accueillir, soutenir, écouter, encourager mutuellement dans nos qualités et limites comme humains. Nous assistons, aussi, parfois à des moments de faiblesse dans cette rencontre quand un membre de la communauté veut se définir selon ses provenances, nous nous retrouvons dans un choc d’identités qui engendre quelques fois des ressentiments, d’antipathies et d’antagonisme… et cela fait mal à toute la communauté. Or, on n’est jamais soi-même que par le biais de ce qui nous fait ressembler aux autres car « l’homme devient humain que par la communion avec les autres, qui constituent avec lui, une seule famille ».[1]
C’est pourquoi, tout en étant soi-même, l’on est aussi altérité. C’est dans cet angle que la diversité culturelle, dans notre famille, nous pousse à l’interculturalité[2] qui devient une ouverture aux membres d’autres cultures et provenances ; et qui crée des relations entre eux et permettant des échanges paisibles avec des objectif communs. L’interculturalité permet de parvenir à une meilleure connaissance et une meilleure compréhension de soi-même et de l’autre. Elle permet le bien vivre-ensemble, le bien-être de tous dans l’égalité dépassant certaines oppositions. « L’interculturalité joue un rôle de médiation entre des individus de cultures différentes, explique et interprète des points de vue différents. Elle n’implique pas de s’identifier à une autre culture ou d’adopter les pratiques culturelles des autres ».[3]
La communauté, porteuse d’une culture unique
Nos maisons de formations ainsi que nos communautés apostoliques porteuses d’une marque unique, celle de Jésus Christ, elles s’identifient en Lui et veulent L’annoncer au monde entier avec aspiration de faire du monde une seule famille dans le Christ. Nos communautés sont confrontées parfois à des difficultés de divergences d’idées et de visions entre ses membres. Cependant, les membres de la communauté demeurent toujours fidèles au projet de vie communautaire en adoptant le mode et style de vie évangélique. Nos communautés doivent tenir compte du chemin à parcourir, en accordant davantage le temps aux échanges mutuels et interculturels afin que ses membres puissent développer un climat d’unité. Chacun a autant de choses à apprendre de l’autre, car l’entourage culturel d’origine n’offre pas tout ce qu’il faut pour une vie de disciples que nous avons choisie. Venant des différents pays et différentes cultures, la famille xavérienne veille et fait en sorte que la rencontre de ses membres se passe dans l’acceptation mutuelle malgré la diversité d’origines, ainsi nos différences loin d’être objet de discorde, constituent la force vitale pour la mission évangélisatrice. Tout de même il y a encore des barrières à franchir à ce point de vue.
Façonnés par la Parole de Dieu et témoins de Celui que nous portons et annonçons, nous sommes invités à l’être-ensemble à la suite du Christ, non seulement dans la tolérance comme « nécessité pour les individus d’origine culturelle différente de développer la capacité à se supporter et à accepter que d’autres personnes pensent et vivent différents de nous » [4], mais aussi et surtout kuchukuliana.[5] La tolérance et kuchukuliana deviennent ainsi des principes qui guident nos relations en matière de la diversité culturelle pour amener les membres de la communauté à reconnaitre l’existence de l’autre. L’objectif de l’interculturalité dans nos communautés apostoliques et maisons de formation devient, alors, la recherche d’une cohésion familiale dans le Christ pour éviter qu’aucun membre ne se trouve de fait marginalisé, voire défini comme étranger, car nous sommes tous frères, dit Jésus Christ notre Maître.
De la formation d’une seule communauté
Ce sont des hommes qui forment une communauté. Cette dernière est bâtie avec le concours de tout un chacun, tout en dépassant les limites géographiques et les influences claniques. La famille xavérienne, étant une institution interculturelle, aspire à cet idéal afin que ses membres présents et futures parviennent à s’accueillir, se tolérer et s’encourager mutuellement malgré leurs différences. En tant qu’une communauté des humains, elle s’engage à se construire dans l’unité et chercher à ce que ses membres s’épanouissent en se reconnaissant comme frères dans le Christ ; car en effet, la rencontre de cultures atteint son sommet dans la mesure où l’amour y demeure.
Pour finir, je remercie et encourage tous les membres de la famille xavérienne qui à travers le témoignage de leur vie, jour après jour, sans épargner aucun effort, avec ténacité et sans relâche, prêchant non seulement à paroles mais surtout en actes, qu’il est possible de passer du Moi à Nous, de notre façon de nous identifier selon nos provenances à l’interculturalité qui est une réalité déjà présente dans notre Famille xavérienne et qui en constitue intrinsèquement partie intégrante. La diversité, au lieu d’être source de conflits, devrait être source d’harmonie pour un enrichissement interpersonnel, car le moi ne se conçoit pas sans l’autre. Tout en étant une valeur et un don, l’interculturalité comporte des défis qui peuvent être relevés comme tous les autres défis. L’interculturalité, même dans nos diversités profondes, nous pousse à l’interaction. Elle nous permet, dans le vécu quotidien, de penser et repenser, construire et déconstruire, découvrir et redécouvrir les limites et les potentialités de notre propre culture. Dans ce processus d’émerveillement quotidien, elle devient le moyen qui nous aide à prendre conscience de la diversité des cultures. D’où la nécessité de cultiver l’esprit d’écoute mutuel pour aboutir à une vie communautaire harmonieuse à la suite du Christ.
[1] R. GARAUDY, Parole d’homme, éd. Robert Laffont, Paris, 1975, 247.
[2] Nous pouvons le comprendre, en l’appliquant à notre famille xavérienne, comme rencontre des personnes provenant des cultures différentes, à la suite de Jésus Christ, et qui sont invitées à vivre ensemble pour un but précis. Ces dernières interagissent de façon symétrique dans le respect mutuel.
[3] M. BYRAM, La compétence interculturelle, éd. du Conseil de l’Europe, Paris, 2003, 3.
[4] J.M. LECLERCQ, Figures de l’interculturel dans l’éducation, éd. du Conseil de l’Europe, Paris, 2002, p.9.
[5] Parole en langue Swahili qui signifie, selon ma compréhension de la parole : se supporter, se soutenir mutuellement. La lettre de Saint Paul aux Colossiens (Col. 3,12-14) peut nous éclairer à la compréhension de cette parole dans ce sens que la communauté chrétienne en générale, et celle xavérienne en particulier, édifiée par la Parole de Dieu, développe certains caractères de solidarité, certains caractères de la vie nouvelle : compassion, bonté, humilité, support et pardon mutuels à l’exemple de Christ.
