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Et la vie continue

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Après plusieurs semaines de suspension, les premiers bateaux ont repris la navigation en ce mardi 18 février 2025, sur décision des nouveaux dirigeants. Bukavu et Goma sont de nouveau connectés par le lac Kivu.

« Aucune tracasserie pour l’embarquement », témoigne un passager. « Pourvu que ça dure », ajoute un autre. Le temps est aux « fiançailles » : chacun cherche à donner une bonne impression, et cela semble fonctionner jusqu’à présent. D’un côté, un peuple meurtri, assoiffé de paix et d’un peu d’ordre ; de l’autre, des hommes en armes, présentés comme des « soldats de paix » et des « libérateurs ». C’est un jeu de séduction pour instaurer un vivre-ensemble, où chacun met du sien.

Dès dimanche, les autorités ont invité les cadres de base (chefs de quartiers et d’avenues) à se mettre au travail. Les premières missions consistent à collaborer avec les administrés pour identifier les caches d’armes et les militaires ou Wazalendo encore dissimulés, ainsi que pour signaler les endroits où des engins explosifs pourraient être présents. Les uns seront « récupérés » et éventuellement recyclés par une formation militaire adéquate (Wazalendo), tandis que les explosifs seront désamorcés.

Parallèlement, une grande mobilisation est en cours pour que les activités reprennent leur cours normal dans la ville. Lors de ma sortie du jour, j’ai constaté une circulation plus dense qu’hier : piétons, motards et conducteurs de véhicules se déplacent en plus grand nombre. Les clients fréquentent à nouveau les nganda (bistrots), les boutiques ont rouvert, et j’ai même vu une foule au marché de Nyawera, l’un des principaux lieux de ravitaillement en vivres pour les familles du centre-ville.

Le véhicule du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a sillonné la ville pour récupérer des corps en vue de leur sépulture. Plusieurs dizaines de blessés sont actuellement pris en charge à l’hôpital général provincial.

Une réunion importante s’est également tenue entre l’AFC/M23 et les acteurs de la société civile. Un des participants m’a rapporté les grandes lignes de cette rencontre :

Les nouvelles autorités mettent en garde contre toute forme de vol. En l’absence de prison, les contrevenants ne connaîtront d’autre sort qu’une exécution immédiate.

Elles appellent les militaires encore cachés à rendre leurs armes.

Elles encouragent la population à reprendre ses activités, affirmant être là pour « sécuriser » les citoyens.

Un salongo (travail communautaire) pour le nettoyage de la ville est prévu jeudi. Tous les habitants, sans exception, devront y participer.

Dès à présent, les chefs de base se mobilisent pour avertir la population. Des communiqués et des annonces par mégaphone circulent afin de sensibiliser les habitants et de les informer des conséquences en cas de non-participation. « Ils le sentiront sur leur corps », menace une voix, signifiant que le châtiment – bien connu – sera le fouet. 

Dans certains quartiers, des meetings sont également prévus pour communiquer directement avec la population et la rassurer. Le meeting de mon quartier est annoncé pour demain, mercredi ; l’heure et le lieu ont déjà été précisés. 

Attendus avec « impatience » ailleurs !

Des messages exprimant l’aspiration du peuple congolais au changement affluent depuis les zones encore non occupées. Certains leaders communautaires des localités vers lesquelles avancent les « rebelles » – au-delà de Bukavu – appellent même à la non-résistance. Ces appels proviennent aussi de provinces voisines comme le Tanganyika et le Katanga.

Que dire ? L’AFC/M23 avance sans grande opposition, face à un peuple épuisé et abandonné par des dirigeants dont il attendait pourtant soutien et protection. La proie est facile à capturer. L’attitude actuelle de la population est dictée par un besoin de survie. Pour le reste, on verra plus tard.

Pendant ce temps, le territoire national est en lambeaux.

Les Ougandais progressent vers le nord (Ituri, Beni et Butembo), tandis que le M23 s’approche déjà de Lubero. Bientôt, la boucle sera bouclée. À ce stade, il semble presque impossible d’arrêter cette avancée sans provoquer de lourdes pertes humaines. Pourtant, certaines sources annoncent l’arrivée de nouveaux renforts en provenance d’Afrique du Sud (SADC) et d’Afrique de l’Est (EAC). 

À Kinshasa, la tension monte : la chasse aux Muswahili est lancée, car ils sont assimilés aux Rwandais, perçus comme les ennemis du Congo. Si ces violences ne sont pas rapidement contenues, elles risquent d’embraser le pays. Chaque goutte supplémentaire semble être celle de trop.

Une Constitution vieillissante, une réforme inachevée

La Constitution congolaise fête aujourd’hui ses 19 ans. Adoptée le 18 février 2006, elle a récemment fait l’objet de polémiques. Le parti présidentiel avait appelé à une vaste campagne pour sa modification, mais les Congolais y voyaient une simple diversion. Ironiquement, c’est aujourd’hui le peuple qui réclame cette réforme tant attendue.

E la vita continua

Dopo diverse settimane di sospensione, i primi battelli hanno ripreso la navigazione in questo martedì 18 febbraio 2025, su decisione dei nuovi dirigenti. Bukavu e Goma sono di nuovo collegate attraverso il lago Kivu.

«Nessuna difficoltà per l’imbarco», testimonia un passeggero. «Speriamo che duri», aggiunge un altro. È il tempo delle «fidanzate promesse»: ognuno cerca di fare una buona impressione, e per il momento sembra funzionare. Da una parte, un popolo ferito, assetato di pace e di un po’ di ordine; dall’altra, uomini armati, presentati come «soldati di pace» e «liberatori». Un gioco di seduzione per inaugurare una convivenza, in cui ciascuno fa la sua parte.

Domenica, le autorità hanno invitato i dirigenti locali (capi dei quartieri e delle strade) a mettersi al lavoro. Le prime missioni consistono nel collaborare con la popolazione per individuare i nascondigli di armi e i militari o i Wazalendo ancora in clandestinità, oltre a segnalare i luoghi dove potrebbero essere presenti ordigni esplosivi. Alcuni verranno «recuperati» e, se possibile, riqualificati attraverso un’adeguata formazione militare (Wazalendo), mentre gli esplosivi saranno disinnescati.

Parallelamente, è in corso una grande mobilitazione per il ritorno alla normalità delle attività cittadine. Durante la mia uscita odierna, ho constatato un traffico più intenso rispetto a ieri: pedoni, motociclisti e automobilisti si spostano in numero maggiore. I clienti affollano di nuovo i nganda (bar), i negozi hanno riaperto e ho perfino visto una folla al mercato di Nyawera, uno dei principali luoghi di approvvigionamento alimentare per le famiglie del centro città.

Il veicolo del Comitato Internazionale della Croce Rossa (CICR) ha percorso la città per recuperare corpi destinati alla sepoltura. Diverse decine di feriti sono attualmente assistiti presso l’ospedale generale provinciale.

Si è inoltre tenuta una riunione importante tra l’AFC/M23 e gli attori della società civile. Uno dei partecipanti mi ha riferito i punti principali dell’incontro:

  • Le nuove autorità avvertono che ogni tipo di furto sarà punito severamente. Poiché non ci sono prigioni, i colpevoli saranno giustiziati immediatamente.
  • Invitano i militari ancora nascosti a consegnare le armi.
  • Incoraggiano la popolazione a riprendere le attività, affermando di essere presenti per «garantire la sicurezza» dei cittadini.
  • È stato annunciato un salongo (lavoro comunitario) per la pulizia della città, previsto per giovedì. Tutti gli abitanti, senza eccezione, saranno coinvolti.

I capi locali si stanno già mobilitando per informare la popolazione. Circolano annunci e comunicati tramite altoparlanti per sensibilizzare gli abitanti e avvertirli delle conseguenze in caso di mancata partecipazione. «Lo sentiranno sulla loro pelle», minaccia una voce, intendendo che la punizione – ben nota – sarà la frusta.

In alcuni quartieri sono previsti anche comizi per comunicare direttamente con la popolazione e rassicurarla. Il comizio del mio quartiere è fissato per domani, mercoledì; l’orario e il luogo sono già stati annunciati.

Attesi con “impazienza” altrove!

Messaggi che esprimono l’aspirazione del popolo congolese al cambiamento giungono dalle zone non ancora occupate. Alcuni leader delle comunità locali, verso cui avanzano i «ribelli» – oltre Bukavu – stanno persino diffondendo appelli alla non resistenza. Questi messaggi provengono anche da province vicine come il Tanganica e il Katanga.

Che dire? L’AFC/M23 avanza senza incontrare grande opposizione, di fronte a un popolo stanco e abbandonato da dirigenti da cui avrebbe legittimamente atteso sostegno e protezione. La preda è facile da catturare. L’attuale atteggiamento della popolazione è dettato dal bisogno di sopravvivere. Il resto si vedrà più avanti.

Nel frattempo, il territorio nazionale è in pezzi.

Gli ugandesi avanzano nella parte nord (Ituri, Beni e Butembo), mentre il M23 è già vicino a Lubero. Presto, il cerchio sarà chiuso. A questo punto, fermare questa avanzata sembra quasi impossibile senza provocare ulteriori perdite umane. Tuttavia, alcune fonti segnalano l’arrivo di nuovi rinforzi dal Sudafrica (SADC) e dall’Africa orientale (EAC).

A Kinshasa, la tensione è alle stelle: è iniziata la caccia ai Muswahili, accusati di essere rwandesi e quindi considerati nemici del Congo. Se queste violenze non verranno contenute, rischiano di infiammare il Paese. Ogni goccia in più sembra quella di troppo.

Una Costituzione invecchiata, una riforma incompiuta

Oggi la Costituzione congolese compie 19 anni. Adottata il 18 febbraio 2006, di recente è stata al centro di polemiche. Il partito presidenziale aveva avviato una vasta campagna per modificarla, ma il popolo congolese vi ha visto solo un’operazione di distrazione. Ironia della sorte, è proprio il popolo che ora reclama questa riforma tanto attesa.

And Life Goes On

After several weeks of suspension, the first boats resumed navigation on this Tuesday, February 18, 2025, following a decision by the new authorities. Bukavu and Goma are once again connected via Lake Kivu.

“No hassle for boarding,” said a passenger. “Let’s hope it lasts,” added another. This is the time for “engagements”: each side is trying to make a good impression, and so far, it seems to be working. On one side, a wounded people, thirsty for peace and some order; on the other, armed men presented as “peace soldiers” and “liberators.” A game of seduction to establish coexistence, where everyone plays their part.

On Sunday, local authorities (neighborhood and street leaders) were invited to start working. Their first tasks include collaborating with residents to identify weapon caches and hidden military personnel or Wazalendo, as well as reporting locations where explosive devices might be found. Some individuals will be “recovered” and potentially retrained through proper military education (Wazalendo), while explosives will be defused.

At the same time, a large-scale mobilization is underway to restore normal activities in the city. During my outing today, I noticed significantly more movement than yesterday: pedestrians, motorcyclists, and drivers were all more present. Customers were returning to the nganda (bars), shops had reopened, and I even saw a crowd at Nyawera Market, one of the main food supply centers for families in the city center.

The International Committee of the Red Cross (ICRC) vehicle was seen driving through the city, collecting bodies for burial. Several dozen injured people are currently being treated at the provincial general hospital.

An important meeting was also held between the AFC/M23 and civil society representatives. One participant shared with me the key points of the discussion:

  • The new authorities warned that all types of theft would be severely punished. Since there are no prisons, offenders will face immediate execution.
  • They called on soldiers still in hiding to surrender their weapons.
  • They encouraged the population to resume their daily activities, stating that they were there to “secure” the citizens.
  • A salongo (community work) for cleaning the city was scheduled for Thursday. All residents, without exception, will be required to participate.

Local leaders have already begun mobilizing to inform the population. Announcements and messages via loudspeakers are being broadcast to raise awareness and warn citizens of the consequences of non-compliance. “They will feel it on their bodies,” one voice threatened, implying that the punishment—well known—would be the whip.

In some neighborhoods, public meetings are also planned to communicate directly with the population and reassure them. The meeting for my neighborhood is scheduled for tomorrow, Wednesday, with the time and place already announced.

Eagerly awaited elsewhere!

Messages expressing the Congolese people’s aspiration for change are coming from areas not yet occupied. Some community leaders in locations where the “rebels” are advancing—beyond Bukavu—are even calling for non-resistance. These appeals are also reaching from neighboring provinces such as Tanganyika and Katanga.

What can be said? The AFC/M23 is advancing with little opposition, facing a people exhausted and abandoned by leaders from whom they had legitimately expected support and protection. The prey is easy to capture. The population’s current attitude is dictated by the need to survive. The rest will be seen later.

Meanwhile, the national territory is falling apart.

The Ugandans are advancing in the north (Ituri, Beni, and Butembo), while M23 is already near Lubero. Soon, the loop will be closed. At this point, stopping their progress seems almost impossible without causing further human losses. However, some sources report the arrival of reinforcements from South Africa (SADC) and East Africa (EAC).

In Kinshasa, tensions are rising: Muswahili people are being hunted down, accused of being Rwandans and thus considered enemies of Congo. If these violent outbursts are not contained, they could set the country on fire. Every additional drop feels like one too many.

An Aging Constitution, an Unfinished Reform

Today, the Congolese Constitution celebrates its 19th anniversary. Adopted on February 18, 2006, it has recently been the subject of controversy. The presidential party had launched a large campaign to modify it, but the Congolese people saw it as nothing more than a distraction. Ironically, it is now the people themselves who are demanding this long-awaited reform.

Marie-Noël Cikuru
19 Février 2025
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