Grand défenseur de la dignité humaine des Batwa
1° Anniversaire de la mort du p. Modesto Todeschi s.x.
- Introduction
Ce dimanche 16 novembre sera le premier anniversaire de la mort du Père Modesto Todeschi sx. Et pourtant il demeure vivant dans nos cœurs. Je profite de cet anniversaire pour dire quelque chose sur ce grand monument missionnaire. Le thème de la dernière journée mondiale des missions « Missionnaires parmi les Peuples », l’incarnation et la radicalité missionnaires auxquelles nous invite notre DG à travers la dernière lettre en l’occasion de la fête du Fondateur : « cultiver une sensibilité particulière, accompagnée d’un engagement concret, envers le visage souffrant et défiguré de l’humanité. L’engagement pour la justice, la paix et la fraternité, ainsi que la lutte active contre les mécanismes pervers qui génèrent la pauvreté et les inégalités, doivent faire partie intégrante de notre identité xavérienne », m’ont poussé à faire ce partage, en revenant sur cette icone missionnaire que j’ai eu la chance de rencontrer. A part la mémoire priante et engageante, l’autre but de cette réflexion voudrait que l’héritage de ce grand missionnaire soit honoré par une réappropriation de l’ad gentes, l’ad extra et l’ad vitam non dilués.
- La rencontre avec Modesto
A Bugwana et surtout presque dans tous les milieux où le Père Modesto a travaillé, il est connu sous le nom du « défenseur de la dignité humaine des Pygmées/Batwa ». Moi-même qui écris ce témoignage que j’ai récolté auprès des Batwa, j’ai été initié à la vie missionnaire par le Père Modesto. Il m’a appris à aimer le Burundi et les Burundais. Et cela me procure la joie missionnaire. Il m’a appris beaucoup des proverbes burundais, l’histoire de grands événements ecclésiaux et sociopolitiques du Burundi. Nous sommes montés plusieurs fois ensemble dans les collines de Runyankezi et Muberure pour visiter les Batwa. Curieusement c’est moi qui me fatiguais plus que lui. Il n’avait pas honte de dire et montrer qu’il aime et a une option préférentielle envers les laissés pour compte, les victimes de la marginalisation sociale et ethnique.
- Les stratégies missionnaires
Sa lutte pour la dignité humaine se résume dans quelques éléments clés de la culture burundaise :
La Langue : grâce à sa maitrise parfaite du Kirundi et de la culture, il entrait facilement dans les cœurs des pygmées qui l’accueillaient comme un frère, un père et un ami. C’est pourquoi quand ils ont appris sa mort ils ont pleuré en Kirundi : Turagotse (nous avons perdu un être cher, turabuze imfura n’umuhererezi, nous avons perdu un le fils ainé et le cadet), pour dire on a tout perdu. Les pygmées adoraient écouter le Père Modesto. Lui aussi les estimait.
Terre et habitat : l’histoire et les inégalités sociales ont fait que les Pygmées se trouvent aujourd’hui écartés. Ils n’ont ni droit à la terre, ni droit à l’éducation. Le Père Modesto n’a pas été indifférent envers cette situation deshumanisante. C’est pourquoi il s’est donné corps et âme pour leur acheter les terrains où cultiver, pour construire les maisonnettes. A travers les proverbes burundais, il leur a appris à prendre leur destin en main par le travail et le vivre ensemble. Grâce à cela ils sont devenus sédentaires. Il avait même composé une petite chanson avec les proverbes pour stimuler les Batwa aux travail ; Kora umurima tugende, utarima nta karye (allons, travaillons, que celui qui ne travaille pas ne mange pas non plus)
Histoire : Etant un fin connaisseur de l’histoire du Burundi, il racontait souvent aux pygmées l’histoire du peuplement du Burundi. En effet au Burundi il existe trois ethnies : les Hutu, les Tutsi et les Batwa/Pygmées. Parmi les trois, les Batwa ont été exclus et cela fait que jusqu’à present beaucoup parmi eux continuent à se considérer inférieurs aux autres Burundais issus des autres ethnies. Et pourtant ils sont les premiers habitants du Burundi selon l’histoire. Pour lutter contre ce complexe d’infériorité et la sous-estimation, le Père Modesto leur disait que historiquement et en réalité ils sont des Basangwa Butaka, littéralement ça signifie « les propriétaires de la terre, les premiers occupants, premiers qui ont possédé la terre). Je suis heureux de voir que l’apostolat qu’il initié continue à porter les bons fruits. A nos jours nous avons une très belle école pour la promotion intégrale des Batwa. Grâce à son approche pastoral de proximité et d’amour envers les Batwa, il est parvenu à les convaincre de prendre leur destin en main à travers l’éducation, l’évangélisation, le travail et la socialisation.
- Sur ses traces, quel héritage le Père Modesto nous laisse aujourd’hui ?
Si Jésus Lui-même avait dit que les pauvres il y en aura toujours, nous ne pouvons pas prétendre que le Père Modesto a fini tous les problèmes du monde. D’ailleurs mon témoignage se veut être un jalon pour continuer l’œuvre qu’il a commencée. Le Père Modesto est de la première génération des missionnaires Xavériens qui sont arrivés au Burundi il y a soixante ans. Malheureusemenbt tous les Xavériens de la deuxième génération ont quitté le Burundi. Il ne reste que quelques anciens de la première génération et les jeunes de la troisième génération que nous sommes. Après tant de témoignage sur la bravoure et le héroisme missionnaire du Père Modesto, nous devrions nous poser certaines questions :
Modesto a été l’un des rares missionnaires « étrangers » qui se sont incarnés dans la culture Burundaise jusqu’à devenir même enseignant de la culture et de la langue Burundaise, le Kirundi. Il a même supplié le Bon Dieu de lui donner la grâce de mourir dans sa terre de Mission. Alors, parmi les jeunes missionnaires Burundais éparpillés aujourd’hui dans les continents, à l’instar du Père Modesto, qui prie pour que se réalise cet ad vitam missionnaire ? qui rêve devenir aussi un spécialiste de la culture et de la langue locales là où il est en mission présentement ? eh oui, l’important n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous aurons fait de ce qu’on a fait de nous. La même question revient à nous les jeunes missionnaires « étrangers » : aurons-nous encore des enseignants parmi nous de la culture et de la langue Burundaise à l’exemple du grand Missionnaire Modesto ? Des missionnaires qui aiment le Burundi et les Burundais ? aurons-nous encore des experts dans l’histoire du Burundi ? Que faisons-nous pour y arriver ?
Il s’est beaucoup dépensé pour la promotion intégrale des Batwa et des exclus, victimes des tragédies qui ont marqué l’histoire du pays. quel impact cela a sur notre modus vivendi et notre ad gentes ? combien de jeunes missionnaires qui ont connu Modesto utilisent et pratiquent le concept « promotion intégrale de l’homme », « défense des exclus », « option préférentielle des pauvres »?
Modesto a eu le mérite d’avoir « lutté » pour commencer la formation des jeunes burundais pour la mission ad gentes, ad vitam, ad extra. Ayant rencontré Modesto dans ce chemin du discipolat missionnaire, ayant entendu tous les témoignages y référents, sommes-nous engagés avec dévouement dans la culture d’animation missionnaire et vocation comme paradigme missionnaire prioritaire dans certaines circonscriptions ? sommes-nous incarnés là où nous sommes ?
Père Modesto Todeschi, repose en paix et prie pour nous.
p. Jean Balola sx
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